La passerelle Inachus

 

 

"La passerelle Inachus est située à Beppu, sur l'île de Kyushu au sud du Japon. Elle a été construite par l'ingénieur japonais Mamoru Kawaguchi en 1994. Kawaguchi est connu pour ses recherches sur les structures gonflables et les structures spatiales depuis les années 60.

 

Kawaguchi a expliqué que la ville de Beppu était jumelé avec la ville chinoise de Yantai. Or Yantai a une longue tradition d'extraction et de travail du granit. Puisque ce granit révéla de bonnes qualités mécaniques, Kawaguchi décida de l'utiliser structurellement pour la passerelle. Les tests révélèrent une excellente résistance à la compression de l'ordre de 130N/mm2.

 

Ce projet constitue une avancée dans le développement des ponts en pierre précontrainte. La forme structurelle est plus complexe que par le passé. La pierre est utilisée ici pour constituer la membrure supérieure d'une poutre composite pierre-acier.

 

La passerelle franchit 34m. La forme structurelle est une poutre lenticulaire parfois appelé SUSPEN-ARCH, ARCHE SUSPENDUE. La membrure supérieure est constituée par une dalle en granit précontraint qui forme aussi le tablier de la passerelle. La membrure inférieure est une structure en acier. La dalle en granit précontraint est constituée de 78 blocs de 40cm de largeur et de 25cm d'épaisseur. Leur longueur varie en fonction de la largeur du pont.

 

5 câbles de précontrainte passent à travers la dalle en granit, à l'axe des blocs. Des barres de renfort en acier ont été placés dans les joints transversaux pour prévenir tout effort de tension dans le sens transversal. Avant d'appliquer la précontrainte, les joints transversaux ont été remplis de mortier pour assurer une distribution parfaite des efforts entre les blocs. Une fois précontraints, les blocs créent une dalle monolithique, incurvé suivant le profil du pont, rigide dans les deux directions.

 

La membrure inférieure a la forme d'un polygone funiculaire. Des plats en acier créent une " chaîne " articulée à chaque connexion. La "chaîne " se dédouble aux extrémités de manière à donner une résistance à la torsion à la poutre pont. La chaîne est ancrée sur chaque rive dans un massif en béton armé. Ces massifs reprennent aussi les ancrages des câbles de précontrainte de la dalle en granit. La structure est donc isostatique et requiert des appuis moins massifs qu'un pont en arche traditionnel qui transmettrait au sol des poussées très importantes.

 

Les membrures inférieures et supérieures sont connectées par une âme constituée de tubes arrangés en pyramides inversées (tous les 6.6m). Les pyramides sont connectés à la dalle en granit grâce à des plats en acier insérés dans les joints transversaux entre blocs de granit. Certaines pyramides ont été omises volontairement. Cette structure imparfaite a des moments de flexion plus importants qu'une poutre normale, notamment dans la membrure supérieure en cas de charges non uniformes. Ces moments de flexion sont repris par la dalle en granit précontraint. Les efforts de tension induits sont toujours inférieurs à la valeur de la précontrainte. Il n'y a donc pas de risque de fissuration ou de rupture dans la membrure supérieure.

 

La structure est visuellement légère et transparente grâce à ce procédé. La légèreté réelle de la structure est aussi intéressante car il y évidemment beaucoup de tremblements de terre dans la région. Avec cette structure isostatique, les culées peuvent se déplacer légèrement sans mettre en péril l'ouvrage. Des déplacement similaires et limités sur une arche traditionnelle peuvent par contre avoir des conséquences dramatiques.

 

Si on compare cette structure avec le pont de Mangiarotti, on peut dire qu'elle a un potentiel de développement plus important. La rigidité et la stabilité sont assurés par la hauteur totale de la structure (dans ce cas 2.2m) alors qu'une arche simple, même précontrainte, a un potentiel plus limité en terme de portée et de charges d'exploitation (la hauteur structurelle étant celle de la pierre soit 40cm)."