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      "La première grande réussite de Freyssinet 
        fut une série de ponts en béton précontraint construits 
        sur la Marne en 1946. En 1954, Heinz Hossdorf, un ingénieur suisse 
        conçut probablement la toute première structure en pierre 
        précontrainte, en l'occurrence un pont. Hossdorf est connu en Suisse 
        pour ses recherches sur des coques minces en béton armé. 
         
           
         
         Il s'agit d'un ouvrage appelé
         Pont du diable, situé sur la route du col du Gothard
         dans les Alpes suisses. Sur cette route, le paysage est
         évidemment dominé par la présence
         minérale des montagnes. Ce qui a probablement
         encouragé Hossdorf à mettre en Ïuvre la pierre
         comme matériau structurel principal et non comme
         simple parement. Son projet visait à encourager la
         poursuite d'une tradition de maçonnerie de pierre
         pour les ouvrages d'art dans les Alpes. Je pense notamment
         aux grands viaducs maçonnés construits
         à la fin du 19ème siècle pour le chemin
         de fer. Cette tradition était à
         l'époque mise à mal par le
         développement de ponts en béton.
         Malheureusement son projet fut rejeté et on
         construisit un pont en béton habillé en
         pierre. 
         
           
         
         La longueur totale du pont est de
         73,5m. La portée centrale est de 38m. Le tablier et
         les appuis sont construits en pierre précontrainte.
         L'épaisseur du tablier est d'environ 80cm à mi
         portée. On compte 3 séries de câbles de
         précontrainte noyées dans des fourreaux en
         béton. 
         
         Le projet ressemble à
         première vue à un pont en béton ou en
         acier, avec la forme typique d'une poutre à jambage.
         Mais il s'agit en fait d'un pont à 3 arches en plate
         bande. On observe de plus près le calepin rayonnant
         des pierres. Les montagnes constituent les culées
         indispensables pour ce type structurel qui transmet des
         poussées très importantes. La
         précontrainte permet dans ce cas de réduire
         drastiquement l'épaisseur de la structure et
         d'apporter une meilleure stabilité aux charges
         dynamiques. 
         
           
         
         Bien que son projet n'ait pas
         été construit, Hossdorf avait estimé
         que cette structure en pierre avait des avantages en terme
         de construction et d'entretien par rapport à une
         structure équivalente en béton
         précontraint. Il avait notamment estimé que le
         granit serait moins soumis au fluage que le béton
         (déformations sous charges permanentes). Cette
         caractéristique aurait pu mener à une
         économie conséquente dans la quantité
         d'acier de précontrainte ou dans la valeur de la
         précontrainte. 
         
         Il s'agissait donc contre toute
         attente d'un projet plutôt économique. A ma
         connaissance, Hossdorf n'a jamais pu mené de tests
         pour vérifier ses hypothèses. Cependant, la
         grande agence d'architecture et d'ingénierie
         américaine Skidmore Owings and Merill a mené
         à la fin des années 50 des tests sur des
         poutres et des dalles en granit précontraint dont les
         résultats allaient dans le sens des intuitions de
         Hossdorf. 
         
           
         
         Cette très belle structure
         reste à ma connaissance le seul pont routier en
         pierre précontrainte jamais projeté..."
          
         
          
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